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Inadéquation entre l’Offre et la Demande de Financement dans l’Agriculture au Benin

QUELQUES SOLUTIONS TIRÉES DES EXPÉRIENCES DE FINAGRO S.A.


Le financement est un gage de la modernisation de l’agriculture


L’agriculture est le plus grand pourvoyeur d’emplois et contribue significativement à l’économie béninoise. Malgré la forte implication des populations dans l’agriculture et la place qu’elle occupe dans l’économie, le secteur agricole demeure peu compétitif. La faible couverture des besoins en financement est l’une des principales contraintes au développement et à la modernisation de l’agriculture. La problématique du financement est transversale pour l’ensemble des acteurs agricoles, il en résulte que le financement demeure une contrainte majeure à lever pour faire de ce secteur un véritable moteur du développement durable et inclusif de l’économie béninoise. La modernisation de l’agriculture au Bénin passera inévitablement par un financement suffisant et adapté aux besoins et spécificités de chaque maillon de toutes les chaînes de valeur agricole. Ce qui n’est pas encore le cas aujourd’hui et une analyse de cet état des choses montre que les causes sont à rechercher aussi bien du côté de la demande que de l’offre.


Cette publication fait l’état des lieux de la problématique du financement de l’agriculture béninoise à travers un triptyque à savoir (i) la cartographie de la demande et de l’offre de financement, (ii) les causes de l’inadéquation de l’offre à la demande, et (iii) les solutions pour réduire l’écart entre la situation présentée et l’idéal à atteindre.

i) La cartographie de la demande et de l’offre


Une demande croissante et mal structurée


Selon les projections de l’Étude de faisabilité relative à la création de la banque agricole au Bénin [1], la demande potentielle globale de crédit par les Micro, Petites et Moyennes Entreprises Agricoles (MPMEA), les exploitants agricoles familiaux et l’agro-industrie était estimée à l’horizon 2015 à environ six cents milliards FCFA. Ces besoins ont évolué à la faveur du dynamisme impulsé au secteur par les réformes institutionnelles mises en œuvre, ils sont estimés à 2 374 milliards FCFA sur la période 2021-2030 pour sa relance [2].


Cette demande de financement au Bénin s’exprime en différents besoins de financement qu’on peut catégoriser en quatre groupes.

  • Le premier groupe aborde les besoins en services financiers de court terme qui regroupent les besoins en intrants, main-d’œuvre salariée, location et métayage, collecte et stockage des productions pour la commercialisation, collecte et stockage de la matière première pour la transformation, achat d’animaux, achat d’aliments bétail, volailles et des frais de redevance eau d’irrigation ;

  • Le deuxième groupe rassemble les besoins financiers de moyen et long termes que constituent les besoins en mécanisation agricole, matériel de transport, infrastructures de stockage, infrastructures d’irrigation, achat de terres, construction d’habitats pour le bétail, volaille, infrastructures piscicoles etc. ;

  • Le troisième groupe comporte les besoins financiers sociaux que sont la santé, l’éducation et l’habitat ;

  • Pour le quatrième groupe, il s’agit des besoins en services non financiers qui sont liés à la formation, les appuis techniques et l’organisation des producteurs.


Une offre structurellement inadaptée et insuffisante


Les premiers mécanismes de financement développés en République du Bénin, le Dahomey d’alors datent des années d’avant les indépendances, il s’agit des Sociétés Indigènes de Prévoyance (SIP) dans les années 30, puis des Sociétés Mutuelles de Production Rurale (SMPR) dans les années 50. Les années soixante ont été marquées par la prépondérance des grandes entreprises agro-industrielles qui constituaient le prolongement des compagnies coloniales dont la principale préoccupation était l’approvisionnement des entreprises de la Métropole en matières premières, dans cette catégorie on peut citer la Société Nationale de Développement Rural (SONADER), la Société de Développement de la Vallée de l’Ouémé (SADEVO), la Société Nationale de Développement de l’Agriculture (SONAGRI) et les sociétés dédiées au développement de filière spécifique comme la SNADHA pour le palmier à huile.


Ensuite il y a eu divers mécanismes d’offre de financement développés par le secteur public à travers les multiples projets intégrés financés par les partenaires multilatéraux (Banque Mondiale, Fonds International pour le Développement Agricole (FIDA), la Communauté Économique Européenne (actuelle Union Européenne) à travers les Accords Afrique-Caraïbes-Pacifique (ACP), la Banque Africaine de Développement (BAD), la Banque Arabe pour le Développement Économique en Afrique (BADEA), la Banque Islamique de Développement (BID) etc. Il est utile de rappeler, les initiatives nationales dont les plus emblématiques sont l’institution du Centre d’Action Régionale pour le Développement Rural (CARDER), la création de la Caisse Nationale de Crédit Agricole (CNCA), le Programme d’Insertion des Sans Emplois dans l’Agriculture (PISEA). Pour être complet, on peut citer les concours budgétaires, les services financiers offerts sous forme de subventions ou de crédits à court et moyen termes et les services non financiers à travers les programmes de formation et de renforcement organisationnel et institutionnel.


En ce qui concerne l’intervention du secteur privé, on peut faire référence à trois mécanismes. A savoir, [1] es fonds privés provenant des diverses banques et autres établissements financiers privés (SFD/IMF), [2] les crédits fournisseurs et autres systèmes de crédit informel existants dans le secteur et [3] les financements développés par les organisations paysannes. Ces mécanismes du secteur privé proposent des offres diversifiées sous forme de crédits généralement de court terme et se concentrent sur le financement des opérations de commercialisation et de transformation des produits agricoles ainsi que le refinancement des SFD pour atteindre les petits exploitants agricoles. Les services non financiers consistent à une éducation financière, à l’élaboration de plans d’affaires et dossiers de demandes de financement et l’appui-conseil.


Les résultats obtenus à travers ces diverses expériences de financement sont très mitigés voire décevants : les financements sont insuffisants et inégalement répartis selon les filières et les maillons des chaînes de valeur. De manière structurelle la part des concours à l’économie des institutions financières affectée stagne autour de 2%. Au titre de l’année 2019, les utilisations déclarées par les institutions financières (banques et SFD) sont établies à 1 295 844 millions FCFA dont 40 571 millions au profit du secteur agricole soit 3,13% [3].


ii) Les causes de l’inadéquation de l’offre à la demande


Les principales causes de l’inadéquation de l’offre de financement aux besoins du secteur agricole sont multiples et multiformes. Elles sont attribuables aux secteurs agricole et financier.


Au niveau du secteur agricole, les causes majeures sont :

  • les risques covariants et ceux liés à la non-maîtrise de l’eau et aux aléas climatiques ;

  • le faible niveau d’organisation des filières agricoles ;

  • la prédominance de l’informalité des acteurs ;

  • le management médiocre du secteur qui ne rassure pas les institutions financières ;

  • la non maîtrise des marchés d’écoulement des produits agricoles ;

  • la rareté de garanties acceptables.


Au niveau du secteur financier, on pourrait citer :

  • la connaissance très limitée du secteur agricole par les institutions financières ;

  • l’inexistence de ressources humaines qualifiées pour l’instruction des dossiers de crédit agricole ;

  • les dispositions règlementaires et prudentielles ;

  • la très grande aversion pour les risques relatifs au maillon « production » de toutes les filières agricoles, exception faite de la filière coton ;

  • l’inexistence au niveau de la plupart des banques installées au Bénin d’un « programme/produit » adapté au secteur agricole


La confrontation de l’état de l’offre et de la demande de financement dégage un gap significatif qui traduit un dysfonctionnement dont la résorption appelle des mesures structurelles coordonnées et cohérentes.


iii) Propositions pour un financement adéquat et adapté aux besoins des entreprises agricoles

Au niveau des entreprises agricoles

  • Faire la typologie des entreprises agricoles afin de déterminer leurs besoins en services financiers ;

  • Mettre en place une politique massive de formation pour l’encadrement des producteurs : renforcer la compétence technique et managériale des exploitants agricoles ;

  • Veiller à l’application de la loi sur le foncier afin de permettre aux entrepreneurs agricoles de disposer des garanties foncières acceptables par les institutions financières ;

  • Développer une politique de soutien et d’organisation du secteur agricole : organisation des filières et des acteurs agricoles, organisation de la mise en marché, développement des infrastructures (stockage, conservation et transport) ;

Au niveau des institutions financières (banques et IMF/SFD)

  • Adapter les modes d’évaluation de la qualité de l’emprunteur et des risques en fonction de la typologie de l’entreprise agricole ;

  • Expérimenter de nouvelles formes de garanties : leasing, warrant agricole, délégation de créances, fonds de garantie paritaire, société de cautionnement mutuel ;

  • S’appuyer sur des nouvelles formes d’organisation et de contractualisation : partenariats contractualisés entre IMF et services d’appui, intermédiation des organisations paysannes, dispositif tripartite de contractualisation IF/OPA/PME ;

  • Adopter l’approche « Financement des Chaînes de Valeur Ajoutées » pour la définition de programme/produit adapté au secteur agricole.

Au niveau des Pouvoirs Publics

  • Définir et mettre en œuvre une politique d’orientation et de protection agricole (protection des marchés, préférence nationale) ;

  • Définir et mettre en œuvre une politique adéquate d’approvisionnement en intrants agricoles pour les produits vivriers ;

  • Définir et mettre en œuvre une politique adéquate d’accès à la finance : mise en place de ressources dédiées avec des conditions adaptées (taux d’intérêt, durée des prêts, différés d’amortissement, fonds de bonification) ;

  • Définir et mettre en œuvre une politique de gestion des risques agricoles à travers la création des instruments de mitigation des risques agricoles (fonds de garantie, fonds de calamité, assurance agricole) ;

  • Renforcer le secteur de la microfinance: mise en place de programmes d’appui sectoriel en vue du renforcement de capacités, de la professionnalisation, de la sécurisation des IMF et d’une meilleure connaissance des filières agricoles et leurs chaînes de valeur.

Face aux nouveaux défis, il est indispensable de définir de nouvelles voies pour:

  • Assurer la résilience aux dérèglements climatiques ;

  • Prévenir et mitiger les risques de pertes de revenus ;

  • Intégrer la révolution du numérique et la mondialisation des marchés.


Perspectives pour l’accès facile, suffisant et équilibré au financement de l’agriculture


L’opérationnalisation du Fonds National de Développement Agricole (FNDA) fortement accompagné par le train de mesures pris par le Gouvernement (ligne de refinancement de 50 milliards, ligne de garantie de 35 milliards et fonds de bonification de 15 milliards) et la création d’un cadre réglementaire de partenariat entre le FNDA et le secteur financier (banques et systèmes financiers décentralisés) permettent d’espérer à très court terme un accès plus aisé des entreprises du secteur agricole à un financement adapté qui tient compte des spécificités de ce secteur.


Cet espoir n’est permis que si les efforts préalables indiqués supra, sont sérieusement envisagés pour concilier la demande et l’offre.

 

[1] Étude de faisabilité d’une banque agricole au Bénin « AGRIBANQUE-BENIN » Volume3 Plans d’affaires ; mai 2009

[2] La Nation N°7567 du 09 septembre 2020

[3] BCEAO, Rapport annuel 2019

 

Ronald KOUAGO, Msc. Agroéconomie, Gestion des projets agricoles - Stagiaire à FINAGRO S.A.

Amouda Céline SAÏZONOU AKADIRI - Directrice Générale FINAGRO S.A.

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